PROCEDURE d’APPEL – L’AVIS DE LA COUR DE CASSATION DU 12 JUILLET 2018 OU COMMENT RETIRER TOUTE PORTEE AU TEXTE DE L’ARTICLE 905-1 du Code de Procédure civile Alinéa 1 in fine
mardi 17 Juil 2018, Marie JANET Avocat spécialisée en procédure d’appel ActualitéPar un avis en date du 12 juillet 2018 (avis n°15010), la 2ème Chambre de la Cour de cassation est venue préciser qu’en application de l’article 905-1 du Code de Procédure civile, l’obligation faite à l’appelant de notifier la déclaration d’appel à l’avocat que l’intimé a préalablement constitué, dans le délai de 10 jours de la réception de l’avis de fixation adressé par le greffe, n’est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration d’appel.
La Haute juridiction avait été saisie d’une demande d’avis formulée par la Cour d’appel d’Amiens en ces termes :
« Lorsqu’un intimé constitue avocat postérieurement à l’avis de fixation à bref délai adressé par le greffe à l’appelant conformément à l’article 905 du Code de procédure civile et avant l’expiration du délai de dix jours de la réception de l’avis de fixation à bref délai prévu par l’article 905-1 du même code, la déclaration d’appel doit-elle être notifiée à l’avocat de l’intimé dans un délai déterminé ?
- En cas de réponse affirmative à la question précédente et dans l’hypothèse d’une constitution d’avocat par l’intimé dans les mêmes circonstances, quels sont la durée et le point de départ du délai ouvert à l’appelant pour notifier la déclaration d’appel à l’avocat de l’intimé ?
- Dans l’hypothèse d’une constitution d’avocat par l’intimé dans les mêmes circonstances, l’absence de notification de la déclaration d’appel à l’avocat
Pour comprendre la portée de la réponse de la Cour de cassation, il convient de préciser que selon l’article 905-1 du CPC, créé par le Décret n°2017-891 du 6 mai 2017, la signification par l’appelant de la déclaration d’appel à l’intimé qui n’a pas constitué avocat est prescrite à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, c’est-à-dire si entre la date de l’avis de fixation et l’expiration du délai de 10 jours, l’intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.
Et c’était donc cette dernière partie d’alinéa que la Cour d’Amiens souhaitait voir préciser sur deux points :
- Quel est le délai ouvert à l’appelant pour notifier la déclaration d’appel à l’avocat de l’intimé qui s’est constitué ?
- L’absence de notification dans ce délai entraine t’elle la caducité de la déclaration d’appel à l’instar de la signification de la déclaration d’appel ?
La Cour de cassation a donc répondu de la manière suivante :
- Le délai est de 10 jours à compter de la réception de l’avis de fixation adressé par le greffe à l’avocat de l’appelant. Sur ce point, la solution était prévisible et n’appelle pas d’observations particulières, hormis le fait que ce soit la date de réception de l’avis de fixation par l’avocat de l’appelant qui fasse courir le délai et non pas la date de l’avis de fixation, lui-même.
- Le défaut de notification dans ce délai n’est pas sanctionné par la caducité de la déclaration d’appel.
C’est là l’apport important de cet avis.
La Haute Juridiction, dans sa motivation, indique qu’une fois que l’intimé a constitué avocat, l’objectif recherché par la signification de la déclaration d’appel est atteint, ce qui justifierait donc qu’il n’existe pas de sanction au défaut de notification, puisque l’intimé est désormais représenté devant la Cour.
Jusqu’à présent, les avocats, de peur de se voir encourir une caducité de leur déclaration d’appel compte tenu du silence du texte sur ce point, notifiait scrupuleusement leur déclaration d’appel à leur contradicteur dès qu’ils recevaient l’avis de fixation
Cependant, cette diligence apparaissait déjà particulièrement inutile dans la mesure où le praticien qui s’est constitué dans l’intérêt de son client en qualité d’intimé l’aura nécessairement fait au visa de la déclaration d’appel, dont il a dès lors connaissance.
La solution désormais posée nous conduit d’autant plus à nous interroger sur l’intérêt de la notification de la déclaration d’appel à l’avocat de l’intimé.
En l’absence de sanction explicitement prévue par le texte et dont on pouvait penser qu’il pouvait s’agir d’une caducité de la déclaration d’appel, qui est désormais écartée par la Cour de cassation, il y a fort à parier que les praticiens des procédures d’appel, déjà soumis à des diligences de plus en plus nombreuses et complexes, seront moins regardants sur la notification de leur déclaration d’appel à l’avocat de l’intimé.
Si cette notification fait défaut, cela n’aura donc aucune conséquence sur la poursuite de la procédure et ne privera pas l’appelant de son droit de former son appel principal.
Dès lors, l’avis de la Cour de cassation qui vient d’être rendu tend à retirer au texte de l’article 905-1, alinéa 1 in fine, du Code de procédure civile toute portée voire même, tout intérêt.
Une même solution et un même constat pourront certainement être appliqués aux dispositions de l’article 902 alinéa 3 du CPC applicable dans le cadre de la procédure ordinaire et rédigées dans des termes identiques.
Cet avis aura pour mérite de rassurer, au moins sur ce point, les praticiens des procédures d’appel en leur ôtant une embûche supplémentaire!