Loterie publicitaire : en l’absence d’aléa, quand le « règlement » impose le « paiement »
vendredi 06 Juil 2018, Myriam BLUMBERG – SCP BLUMBERG & JANET Associés ActualitéLe contentieux judiciaire nourri par les loteries publicitaires et les jeux publicitaires est abondant. Il en ressort que la promesse de gain publicitaire mise en avant de façon attractive dans des envois publicitaires, sans mettre en évidence l’existence d’un aléa, oblige une société de vente par correspondance à délivrer le gain annoncé.
En l’espèce, une société spécialisée dans la vente par correspondance de produits diététiques et cosmétiques organise une loterie publicitaire et adresse une lettre nominative à une dame la félicitant d’avoir gagné 100 000 francs soit une somme de 15 244,90 euros dès réception de sa prochaine commande.
“Toutes nos félicitations Mme … , après délibération de la Commission des Remises de prix et des Règlements, la Publication des Conclusions est officiellement autorisée. En vertu des pouvoirs qui me sont conférés, il est clairement et incontestablement établi que: Dès réception de votre prochaine commande, le règlement de “ 100 000 francs par chèque bancaire” vous sera expédié sous pli scellé par porteur spécial. Envoi garanti sous contrôle d’huissier de justice assermenté. Oui Mme… , C’est un engagement ferme et définitif! Nous n’attendons que votre commande pour procéder à l’envoi IMMEDIAT de votre REGLEMENT.”
Cette heureuse gagnante procède alors à un achat de l’ordre de 45 euros et en profite bien naturellement pour réclamer son lot promis de 15 244,90 euros.
Or, à sa plus grande surprise, la société refuse de lui faire parvenir la somme annoncée au prétexte que le terme « règlement », utilisé dans le courrier, se référait en réalité au règlement du jeu concours intitulé “100 000 francs par chèque bancaire” et non au paiement de la somme réclamée.
L’heureuse gagnante a alors assigné la société de vente par correspondance en paiement de cette somme. Représentée par le cabinet, la consommatrice a d’abord obtenu gain de cause devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS le 6 mars 2012 aux motifs que « la rédaction artificieuse de la lettre ne permettait pas de retenir l’existence d’un aléa de sorte que l’organisateur du jeu qui avait annoncé un gain devait le délivrer ».
Ce jugement a été confirmé par la Cour d’appel de PARIS le 4 octobre 2013 devant laquelle le cabinet représentait toujours les intérêts de la gagnante, considérant qu’en application de la qualification de quasi-contrat de l’article 1371 du Code civil et s’agissant des loteries publicitaires, une société de vente par correspondance qui annonce un gain à une personne déterminée sans mettre en évidence l’existence d’un aléa s’oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer. En effet, l’organisateur d’un jeu publicitaire doit s’assurer que l’existence d’un aléa soit visible et aisément lisible pour le consommateur moyen tenu à une lecture complète et moyennement attentive des documents litigieux.
Cette solution s’inscrit dans les termes de la jurisprudence de la Cour de cassation depuis 2002 (Ch. mixte, 6 septembre 2002; Civ. 1re, 13 juin 2006, pourvoi n 05-18.469 ; Civ. 1re, 14 janvier 2010, pourvoi n° 08-16.159, Civ. 1re, 30 oct. 2013) qui impose la visibilité immédiate de l’aléa du gain dans le document principal du jeu publicitaire de sorte que le bénéficiaire de bonne foi d’une loterie publicitaire sache que son gain n’est pas certain mais soumis à un aléa, tel qu’un tirage au sort…